19 novembre 2009

Des fois je mange des huîtres.

J'étais content. Mais content comme rarement. J' avais appris que mes parents me laissaient la maison pour la semaine de Noël, réveillon compris. Youpiiiiiie ! Je n'allais certainement pas passer ce Noël seul! Il va sans dire que j'informais immédiatement la bande habituelle de cette mirobolante nouvelle. C'était le temps des grands chambardements. Les filles ressemblaient à des garçons avec leurs jean's troués et les garçons ressemblaient aux files avec leurs cheveux longs (et sales comme disait ma grandmère) et les enfants ne passaient plus Noël avec leurs parents. Enfin les enfants c'est vite dit , nous allions tous vers nos dix sept , dix huit ans et la majorité que Giscard venait de nous offrir comme pour nous récompenser du bordel que l'on avaient mis dans nos collèges et lycées pendant les quelques années qui avaient précédé. Quoiqu'il en soit il nous fallait derechef organiser cette soirée. Nous nous y attelâmes donc le coeur joyeux - Oukaïdi Oukaïda !!!

Noël c'est un sapin , des guirlandes , des bougies , une jolie table, du bon manger et du bon boire - mais pas trop on était pas encore des ivrognes invétérés. En plus ma chérie de cette époque devait partager ce moment de fête et de partage alors fallait voir à voir que ce soit réussi.
Le sapin ça c'etait facile, papa s'en était occupé au cours d'une de ses journées de travail au volant de sa petite voiture jaune. Lorsqu'approchait la venue du Père Noël , il s'arrêtait dans les bois et sortait de sa fourgonette la hachette réglementaire, fournie par l'administration, et choisissait dans la forêt le sapin le plus joli.
- Mais ! C'est interdit ça !!! C'est très mal. Et si tout le monde faisait comme lui ? Ah elle serait belle la forêt.
- Polop Polop Polop. D'abord c'était y a longtemps et l'écologie et le respect de la nature étaient des notions toutes relatives te toutes neuves à l'époque. En plus Papa et Maman ils avaient pas plus de sous que ça pour nourrir les cinq mômes que nous étions et les sapins bin ... ça coutait la peau du cul. Don papa coupait un sapinou dans la forêt en prenant soin d'en choisir un bien droit, mais coincé entre deux gros qui de toutes les façons lui auraient pas permis de grandir comme il faut, il le coupait adroitement avec un outil affuté au poil pour pas qu'il souffre. Et pis c'était comme ça et pis c'est tout.
Les guirlandes les bougies La jolie table ? Fastoche ! On allait sortir une jolie nappe du placard , mettre les belles assiettes dessus, les couverts des jours de fête un ou deux bougeoirs et la magie de Noël allait de nouveau opérer. D'autant que la magie du petit supermarché pourvoyeur de boissons alcoolisées fonctionnait à plein régime. Une tablette de chocolat achetée , une bouteille de Daïquiri offerte ! Enfin aaaaachhtée quoi... Tout était quasi parfait. Sauf qu' il manquait quand même l'essentiel : LE MANGER !!!
Aie! Là c'était plus compliqué.
Les parents nous avaient laissé qui un boudin blanc qui une galantine de volaille, qui une boite de Tuc .
- Soyez sages les enfants et surtout ne buvez pas trop.
- Mais non !
- Et ne sortez pas trop tard et n'oubliez pas de fermer la maison en partant.
- Promis ! Allez Au revoir! Bon voyage...
Ahhhhh les voyages du comité d'entreprise des Laboratoires où maman travaillait............. à la chaine à empaqueter des ampoules de sang de taureau pour les mous du genou. Avec ces voyages j'ai pu en faire des fiestas à la maison pendant que eux découvraient le vaste monde. Grace à la "générosité" de cette entrprise ils ont pu découvrir la Grèce, l'Irlande, la Sicile et tant d'autres endroits où ils pensaient ne jamais pouvoir se rendre.Depuis ils ne se sont plus arrêter de vagabonder dès que l'envie leur prend et que les finances leur permettent.
Le problème était posé clairement il manquait à notre repas de réveillon : Une entrée , un plat et un dessert ! Pour le plat et le dessert on pouvaient toujours s'en sortir, pour le pain aussi, j'étais apprenti boulanger à l'époque donc de ce côté là tout allait bien. Pour le plat on pouvaient toujours faire un plat de lentilles aux saucisses ou un petit rosbeef et des nouilles au gruyère... Mais l'entrée ? Comment trouver un foie gras , une douzaine d'escargots ou une douzaine d'huitres avec nos porte monnaie percés ?

C'est ProutProut ( aka Proutboing ) qui a sifflé l'idée à nos esprits déjantés.Peut être même à son corps défendant , il n'avait certainement fait que raconter ce qu'il voyait pendant ses journées. Lui il travaillait chez un marchand de lunettes de la place des Halles. Faut dire qu'avec nos paies d'arpettes on allaient pas bien loin. Mon poto devait tourner dans les 600 Francs et moi je devais toucher dans les 200 Francs. T'imagines ? 30 euros !!!Autant dire une misère.
- Par jour ?
- Eh non eh ! Oh l'autre eh ! PAR MOIS !!! Jobastre và! Par jour tss-tss!!! On étaient pas apprentis Ministres.
Alors justement les fins de mois elles étaient drôlement dures. Avec le paquet de JPS à 5 francs et le Carambar à 10 centimes on pouvaient pas se permettre beaucoup de folies. Un café place du Palais les jours de fête, une gaufre à la chantilly sous le grand passage quand y faisait froid, un 33 des Who ou de Zappa parce qu'il était trop grand pour tenir sous le duffel coat et zou ! La paie envolée ... Alors pour régler le problème il allait falloir jouer serré.

Tous les jours, entre deux carreaux à sertir et deux clients grincheux, il voyait décharger des tonnes de victuailles sur les trottoirs qui entouraient la place. Des tonnes de cageots, cagettes, ballots et autres cartons de légumes, de viandes, de gibiers et de poissons. Ce devait être comme ça tous les Jeudi et Vendredi de l'année, jours de marché obligent. Rien que de très banal donc. Sauf qu'un évènement comme Noël induit des changements dans l'horlogerie bien rodée du bal des chauffeurs livreurs et des commerçants. Trop de livraisons à faire, trop de cageots à stocker et toujours des journées de vingt quatre heure.
Pour satisfaire tous les clients les camions de livraison commençaient plus tôt. Beaucoup plus tôt. Tellement tôt que les livraisons avaient lieu avant même que les commerçants ne soient levés.
à suivre....

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