17 août 2009

Des fois je me rappelle...


C'est Boiboisse qui avait eu l'idée. Simplissime comme l'étaient toujours ses idées, enfin c'est ce que lui en pensait. Simplistes et sans réflexions sur les conséquences et les dangers encourus , ça c'est ce que nous nous en pensions. Quand je dis nous je parle du ProutProut, de Sosso et de moi , à cette époque mon surnon c'était ... Fifi! Et non j'ai pas honte ! C'était comme ça. On avaient les cheveux longs, les jeans trouées, la barbe naissante - par endroits - , on empestaient le patchouli le musk oul le santal , on fumaient des pétards et on avalaient de l'acide comme d'autres prennent une cuite. Forcément les études s'en ressentaient un tantinet. Dès que l'un ou l'autre avait l'idée saugrenue de sécher l'école pour mener à bien les recherches et autres récupérations pour la logistique de notre groupe de rock/psychédélique on le suivaient illico. Cela nous avaient déjà emmenés dans une gare de triage, une piscine, une école et devant une banque ... Mais là c'était plus beau , plus grand, carrément magnifique, limite inspiré par Dieu lui même. La manne céleste nous attendait posée à notre intention au pied du plus beau monument de la ville , quasi millénaire. La Cathédrale , pas moins !
Je dis que la manne nous attendait posée devant mais en fait il vaudrait mieux dire boulonnée et raccordée au 380V qui l'alimentait. Ceci n'était qu'un détail, Boiboisse avait fait les repérages nous avions le matériel idoine et nécessaire pour mener à bien notre divine mission: déboulonner , débrancher et embarquer nuitamment les projecteurs qui éclairaient le monument et le rendre ainsi à la délicate lueur des étoiles et de la lune, telle qu'il apparaissait aux voyageurs et aux pèlerins du Moyen-Age.
Pour notre part ce qui nous intéressaient se trouvait sur le parvis, posé sur le bord des premières marches. Trois magnifiques projecteurs de 800 W, puissants, solides et étanches.Un véritable don du ciel. Posés en bains de pieds sur le bord de la scène cela nous ferait un éclairage du tonnerre.
Boiboisse avait bien préparé les choses. Il avait déjà remarqué que la place de la cathédrale et la rue qui la longeait sur sa droite était totalement désertes passé minuit, que la crêperie qui la jouxte fermait à minuit et demi et qu'en conséquence vers une heure du matin nous aurions une paix royale. Et pour une fois ses observations s'avérèrent justes. Pas un chat lorsque nous arrivâmes sur le lieu de notre mission. Le déballage des outils que nous avions pris soin de ranger dans nos besaces militaires frappées du symbole Peace & Love se déroula sans bruit. La phase une , répétée en plein jour à main nue et l'air le plus innocent du monde affiché sur nos visages dans l'après midi , consistait à desserrer les écrous de 17 qui maintenaient le support au sol. Nous avions en effet décidé que le mieux était d'emporter chaque projecteur ET son support plutôt que de les démonter de leur support orientable. Pas plus compliqué et peut être utile pour nos futurs concerts autour du monde.
Le desserrage à l'aide des outils les mieux adaptés, clef à pipe et rallonge au cas où les vis auraient été grippées dans leur boulon se déroula sans la moindre anicroche. En moins de cinq minutes les six boulons étaient dévissés et les supports libérés de leur emprise au sol. Il restait la phase deux, la plus périlleuse, à mener à bien. Couper les câbles d'alimentation sans se faire griller sur place par une décharge de 380 dans les mimines. Pour ce faire nous avions entouré les pinces dans de la chambre à air qui servait d'isolateur. Le timing était serré, la section du câble devait être immédiatement suivie de la récupération du projo par celui qui avait les mains libres pour qu'il puisse s'esquiver sans perdre de temps dans la petite rue sombre. Là la troupe une fois tous les projecteurs emportés devait se diriger vers le fond de la rue et prendre à droite celle qui passait le long du couvent. Tout se déroula à merveille. A chaque coup de pince coupante un pan entier de l'édifice retournait à la nuit. En moins de dix secondes les trois projecteurs étaient emportés et nous nous dirigeâmes d'un bon pas vers le boulevard en passant par les ruelles qui contournaient le conservatoire de musique. Tout en nous congratulant mutuellement pour notre adresse et notre sang froid nous avancions d'un pas joyeux en suivant les ruelles mal éclairées de cette partie de la ville. Ah! nous avions eu le nez fin de choisir un itinéraire aussi tranquille.
La rencontre avec la foule qui sortait du Cinéma d'Art et Essai nous pris par surprise. Les regards étonnés de ceux qui sortaient de la salle nous liquéfiaient littéralement sur place. Arrrrgggggh !!!! Nous avions totalement oublié que la dernière séance commençait à minuit , l'heure du crime.C'est dans une sorte de mélasse que nous avons franchi cet obstacle , livides, à la limite de l'évanouissement.............
Les projos ne sont jamais montés sur la moindre scène, notre groupe non plus d'ailleurs.
Aujourd'hui les éclairages de la cathédrale sont noyés dans la pierre. Je me demande pourquoi ?

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