
C'est Boiboisse  qui avait eu l'idée. Simplissime comme l'étaient toujours ses idées, enfin  c'est ce que lui en pensait. Simplistes et sans réflexions sur les conséquences  et les dangers encourus , ça c'est ce que nous nous en pensions. Quand je dis  nous je parle du ProutProut, de Sosso et de moi , à cette époque mon surnon  c'était ... Fifi! Et non j'ai pas honte ! C'était comme ça. On avaient les  cheveux longs, les jeans trouées, la barbe naissante - par endroits - , on  empestaient le patchouli le musk oul le santal , on fumaient des pétards et on  avalaient de l'acide comme d'autres prennent une cuite. Forcément les études  s'en ressentaient un tantinet. Dès que l'un ou l'autre avait l'idée saugrenue de  sécher l'école pour mener à bien les recherches et autres récupérations pour la  logistique de notre groupe de rock/psychédélique on le suivaient illico. Cela  nous avaient déjà emmenés dans une gare de triage, une piscine, une école et  devant une banque ... Mais là c'était plus beau , plus grand, carrément  magnifique, limite inspiré par Dieu lui même. La manne céleste nous attendait  posée à notre intention au pied du plus beau monument de la ville , quasi  millénaire. La Cathédrale , pas moins !
 Je dis que la  manne nous attendait posée devant mais en fait il vaudrait mieux dire boulonnée  et raccordée au 380V qui l'alimentait. Ceci n'était qu'un détail, Boiboisse  avait fait les repérages nous avions le matériel idoine et nécessaire pour mener  à bien notre divine mission: déboulonner , débrancher et embarquer nuitamment  les projecteurs qui éclairaient le monument et le rendre ainsi à la délicate  lueur des étoiles et de la lune, telle qu'il apparaissait aux voyageurs et aux  pèlerins du Moyen-Age.
 Pour notre part ce  qui nous intéressaient se trouvait sur le parvis, posé sur le bord des premières  marches. Trois magnifiques projecteurs de 800 W, puissants, solides et  étanches.Un véritable don du ciel. Posés en bains de pieds sur le bord de la  scène cela nous ferait un éclairage du tonnerre. 
 Boiboisse avait  bien préparé les choses. Il avait déjà remarqué que la place de la cathédrale et  la rue qui la longeait sur sa droite était totalement désertes passé minuit, que  la crêperie qui la jouxte fermait à minuit et demi et qu'en conséquence vers une  heure du matin nous aurions une paix royale. Et pour une fois ses observations  s'avérèrent justes. Pas un chat lorsque nous arrivâmes sur le lieu de notre  mission. Le déballage des outils que nous avions pris soin de ranger dans nos  besaces militaires frappées du symbole Peace & Love se déroula sans bruit.  La phase une , répétée en plein jour à main nue et l'air le plus innocent du  monde affiché sur nos visages dans l'après midi , consistait à desserrer les  écrous de 17 qui maintenaient le support au sol. Nous avions en effet décidé que  le mieux était d'emporter chaque projecteur ET son support plutôt que de les  démonter de leur support orientable. Pas plus compliqué et peut être utile pour  nos futurs concerts autour du monde. 
 Le desserrage à  l'aide des outils les mieux adaptés, clef à pipe et rallonge au cas où les vis  auraient été grippées dans leur boulon se déroula sans la moindre anicroche. En  moins de cinq minutes les six boulons étaient dévissés et les supports libérés  de leur emprise au sol. Il restait la phase deux, la plus périlleuse, à mener à  bien. Couper les câbles d'alimentation sans se faire griller sur place par une  décharge de 380 dans les mimines. Pour ce faire nous avions entouré les pinces  dans de la chambre à air qui servait d'isolateur. Le timing était serré, la  section du câble devait être immédiatement suivie de la récupération du projo  par celui qui avait les mains libres pour qu'il puisse s'esquiver sans perdre de  temps dans la petite rue sombre. Là la troupe une fois tous les projecteurs  emportés devait se diriger vers le fond de la rue et prendre à droite celle qui  passait le long du couvent. Tout se déroula à merveille. A chaque coup de pince  coupante un pan entier de l'édifice retournait à la nuit. En moins de dix  secondes les trois projecteurs étaient emportés et nous nous dirigeâmes d'un bon  pas vers le boulevard en passant par les ruelles qui contournaient le  conservatoire de musique. Tout en nous congratulant mutuellement pour notre  adresse et notre sang froid nous avancions d'un pas joyeux en suivant les  ruelles mal éclairées de cette partie de la ville. Ah! nous avions eu le  nez fin de choisir un itinéraire aussi tranquille.
 La rencontre avec  la foule qui sortait du Cinéma d'Art et Essai nous pris par surprise. Les  regards étonnés de ceux qui sortaient de la salle nous liquéfiaient  littéralement sur place. Arrrrgggggh !!!! Nous avions totalement oublié que la  dernière séance commençait à minuit  , l'heure du crime.C'est dans une  sorte de mélasse que nous avons franchi cet obstacle , livides, à la limite de  l'évanouissement.............
 Les projos ne sont  jamais montés sur la moindre scène, notre groupe non plus  d'ailleurs.
 Aujourd'hui les  éclairages de la cathédrale sont noyés dans la pierre. Je me demande pourquoi  ?
 
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